Les espèces

1. L’espèce dans le genre Chromaphyosemion

Aucune différenciation morphologique ne peut être distinguée entre les différentes espèces. Tout au plus, chez certaines populations, la taille variera mais les proportions seront respectées.

De plus, les données méristiques ne changent presque pas (SCHEEL, 1968).

Les remarquables expériences de SCHEEL (1968, 1974a) ont démontré que les croisements entre des phénotypes différents et même entre populations d’une même livrée produisent des sujets stériles après une ou deux générations « pures » ou en retour (sont généralement considérées comme espèce unique deux populations dont les produits sont féconds jusqu’en F3 ou en F3R).

Parallèlement à ces travaux, lors d’études caryologiques, cet auteur a observé qu’un même phénotype présente une grande variation du nombre de chromosomes avec toutes les possibilités de recombinaisons de bras télocentriques et métacentriques, ce qui explique les barrières reproductives quasi totales entre souches d’une livrée identique.

De plus, SCHEEL (1968) a montré que les Aphyosemion subissaient, à l’exception des Paludopanchax, une perte de chromosomes haploïdes du nord au sud de leur répartition géographique, les espèces au sud de l’équateur présentant un nombre de chromosomes plus réduit qu’au nord.

Cette constatation s’applique aux Chromaphyosemion qui selon SCHEEL (op. cit.) ont des caryotypes plutôt spécialisés par rapport à ceux des autres Rivulinae.

Exemples classés du nord au sud :

– Populations du SE Bénin et du SO Nigéria n= 20 (A. bitaeniatum)
– Buéa n = 19 (A. poliaki)
– Eséka n = 17 (A. loennbergii)
– 20 miles à l’est de Bata n = 13 (A. ecucuense)

De même, les techniques d’électrophorèse ne différencient pas avec précision les différentes espèces même si elles permettent de confirmer les résultats caryologiques.

Par exemple, Berkenkamp & ETZEL constatent que A. bivittatum Biafra ne montre pas de similitude avec les autres populations de A. bivittatum mais se différencie à peine de A. bitaeniatum Iwere et Umudike, ce qui parait étonnant étant donné l’important écart phénotypique entre les deux espèces et la quasi inexistence de différences entre les livrées du A. bivittatum Biafra et du A. bivittatum typique.

L’espèce biologique étant définie comme « un ensemble de populations interfertiles reproductivement isolé d’un autre ensemble semblable », il faudrait, conformément aux résultats des croisements de SCHEEL, donner un nom (donc décrire une espèce) pour toutes les populations de Chromaphyosemion, ce qui dans la pratique est inconcevable.

Une autre solution étant de considérer, comme synonymes, toutes les espèces décrites postérieurement à A. bivittatum étant donné leur morphologie identique et leur niche écologique semblable. Cette méthode a été adoptée par SCHEEL en 1968 puis a été abandonnée par la suite.

Actuellement, faute de mieux, on sépare les espèces d’après des critères phénotypiques variant selon la situation géographique des poissons et selon la géologie des sols.

Ces livrées doivent être examinées in vivo car les phénotypes ne sont pas distincts dans le formol.

Malheureusement, cette technique prête encore parfois à confusion car à l’exception des espèces à anale ponctuée (A. bivittatum, A. riggenbachi, A. loennbergii, A. poliaki, A. kouamense et A. lugens dont les livrées sont très caractéristiques, les phénotypes des espèces à anale non ponctuée ne diffèrent bien souvent que par la teinte de fond du corps et des nageoires, celle-ci étant changeante selon la lumière incidente et selon l’émotivité du poisson.

On remarquera, par ailleurs, que lorsque des zones de répartition de deux phénotypes à anale non ponctuée sont proches, on observe dans chaque cas des populations intermédiaires difficilement classables dans l’une ou l’autre espèce.

Des exemples existent entre A. bitaeniatum et A. splendopleure.

Des populations intermédiaires existent aussi entre espèces à anale non ponctuée et à anale ponctuée : A. splendopleure et A. loennbergii.

D’autre part, certaines similitudes entre plusieurs populations ne peuvent constituer, seules, des critères suffisants pour considérer que celles-ci appartiennent à un même groupe naturel.

Ainsi, la cicatrice nommée « dark wound like » par certains auteurs est présente chez les poissons du SE du Bénin, du SO Nigéria, de l’île de Fernando Po, des systèmes de la Dibamba et du Nyong et de la région d’Edéa-Dizangué.

Ces Chromaphyosemion ne peuvent, malgré tout, être versés dans une même espèce car ils présentent d’autres différences fondamentales de coloration et ils sont issus de régions géographiquement trop éloignées.

(Cet avis n’est désormais plus partagé par SCHEEL (1990), qui englobe toutes ces souches sous le nom de A. bitaeniatum (voir annexes)).

A toutes ces difficultés d’identifications d’espèces, s’ajoutent les problèmes de systématique.

A l’exception d’une espèce, toutes les autres ont été décrites avant la seconde guerre mondiale.

On comprendra aisément que les techniques de descriptions étaient bien plus rudimentaires qu’à notre époque. Bien souvent, les scientifiques ne pouvaient examiner que du matériel fixé d’où les nombreuses erreurs d’identification, celles-ci entraînant de multiples mises en synonymie à partir des années 60.

Ces remaniements de nomenclature ont étés difficiles à effectuer pour plusieurs raisons :

– Terra typica inconnues ou peu précises (individus d’aquarium).

– Descriptions imprécises (individus formolés).

– Disparitions des types (lors de la seconde guerre mondiale, par exemple).

– Données méristiques établies d’après plusieurs systèmes.

2. Les espèces

Depuis le travail de SEEGERS en 1986, WILDEKAMP, ROMAND & SCHEEL (1986) et RADDA & PÜRZL (1987) ont considéré que le sous-genre Chromaphyosemion comportait six espèces valables, à savoir :

A. bivittatum
A. riggenbachi
A. bitaeniatum
A. loennbergii
A. splendopleure
A. volcanum

En 1987, AMIET étudie les Chromaphyosemion dans sa « Faune du Cameroun, le genre Aphyosemion« . Il considère comme valides les taxons suivants :

A. bivittatum
A. riggenbachi
A. multicolor (ici synonyme de A. bitaeniatum)
A. loennbergii
A. splendopleure
A. volcanum

La validité de cette dernière espèce est mise en doute. Il constate que sous le nom de A. volcanum a été assimilé deux phénotype différents. Un de ceux-ci est alors nommé A. (Chromaphyosemion) sp.

En 1990, SCHEEL, dans son dernier travail, considère quant à lui comme espèces valables :

A. bivittatum
A. riggenbachi
A. bitaeniatum
A. loennbergii
A. volcanum
A. pappenheimi

SCHEEL considère A. splendopleure comme synonyme de A. bitaeniatum et sépare de A. loennbergii un autre phénotype, A. pappenheimi (Ahl, 1924).

Il met en doute également A. volcanum.

Remarquons donc que seuls quatre phénotypes sont reconnus sans discussion par l’ensemble des auteurs :

A. bivittatum
A. riggenbachi
A. bitaeniatum
A. loennbergii

En 1998 et 1999, suite au voyage de Cerfontaine, Eberl et Legros (LEC 93), HUBER puis LEGROS décrivent deux autres espèces originaires du nord Gabon:

– A. alpha
– A. kouamense

En 2005, Legros, Zentz et Agnèse décrivent deux nouvelles espèces originaires du sud du Cameroun:

– A. melanogaster
– A. punctulatum

En 2006, Rainer Sonnenberg décrira trois espèces dont deux phénotypes connus de A. splendopleure: A. omega et koungueense ainsi qu’un poisson connu comme A. aff. lugens: A. melinoeides.

En fonction des collectes au Cameroun et au Gabon ces dernières années, nous considérerons ici que le sous-genre Chromaphyosemion comprend au moins 17 phénotypes différents bien circonscrits géographiquement.

A savoir :

  • (Loennberg, 1995)
  • (Boulenger, 1903)
  • (Ahl, 1924)
  • (Ahl, 1924)
  • (Brüning, 1929)
  • Radda & Wildekamp, 1977
  • Amiet, 1991
  • Amiet, 1991
  • Huber, 1998
  • Legros, 1999
  • (Legros, Zentz & Agnèse, 2005)
  • (Legros, Zentz & Agnèse, 2005)
  • Legros & Zentz, 2006
  • A. koungueense (Sonnenberg, 2007)
  • A. omega (Sonnenberg, 2007)
  • A. ecucuense (Sonnenberg, 2008)
  • A. erythron (Sonnenberg, 2008)

A. melinoeides (Sonnenberg, 2007) est considérée ici synonyme de A. lugens. D’autres phénotypes, non rattachables à ces espèces ont été découvertes ces dernières années. Des informations peuvent être trouvées à ce sujet

Quelques remarques sont encore nécessaires :

– Quand nous parlons de A. splendopleure, il faut le prendre dans le sens le plus large (A. splendopleure s.l.). Les raisons seront expliquées lorsque nous discuterons de cette espèce.

A. pappenheimi est ici considérée comme synonyme de A. loennbergii . Les collectes autour de Bipindi et les analyses phylogénétiques récentes démontrent que A. pappenheimi est synonyme de A. loennbergii (Agnèse & al., 2006).

– Les descriptions des espèces sont des descriptions « standards » reprenant les traits généraux de l’espèce.

Le lecteur intéressé pourra trouver des détails plus fouillés de descriptions de populations dans les travaux de POLIAK (voir bibliographie).

– Une fois n’est pas coutume, je recommande de lire attentivement (du moins pour le killiphile élevant ces espèces) les descriptions des poissons et en particulier des femelles, celles-ci étant assez différentes d’un phénotype à l’autre.